USA et Corée du Nord : escalade sans précédents
Lundi soir, la Corée du Nord annonçait que les Etats-Unis seraient « rayés de la surface de la Terre » en cas d’une éventuelle guerre déclenchée par Washington. Bien que les relations entre les Etats-Unis et la Corée du Nord n’aient jamais été particulièrement bonnes, ces deux dernières semaines constituent sans doute l’une des plus grosses crises diplomatiques entre les deux pays. Les Décryptages analysent les modalités d’un éventuel conflit entre Washington et Pyongyang (la capitale nord-coréenne).
Avant d’envisager un conflit planétaire, il convient de s’interroger sur ce qu’il s’est récemment passé entre la Corée du Nord et les Etats-Unis.
Les tensions commencent pendant la deuxième semaine d’avril, lorsque l’US Navy annonce l’envoi d’un groupe aéronaval vers la Corée du Nord. Ce groupe est dirigé par le porte-avion USS Carl Vinson, navire de guerre comptant à son bord pas moins de 70 avions et hélicoptères de combat.
Le 15 avril, la Corée du Nord organise un défilé militaire à Pyongyang pour célébrer le 105ème anniversaire de la dynastie au pouvoir, fondée par Kim-Il-Sung. Kim-Jong-Un, actuel dirigeant de la Corée du Nord, déclare alors que son pays est prêt à répondre à une « guerre totale » avec les Etats-Unis.
Le lendemain, la Corée du Nord met en oeuvre un nouvel essai nucléaire, qui, selon les américains, constituerait un échec, le missile ayant explosé lors du décollage.
Le 23 avril, Rodon Sinmun, le quotidien du pays, annonce : « Nos forces révolutionnaires sont aptes au combat pour couler le porte-avions américain à propulsion nucléaire en une seule frappe », visant donc l’USS Carl Vinson.
Enfin, le 24 avril, Kim-Jong-Un a déclaré aux Etats-Unis qu’ils seraient « rayés de la surface de la planète » en cas de guerre. Pendant ce temps, Trump, en réunion à la Maison Blanche avec des représentants de l’ONU, réclamait de plus grandes « sanctions » à l’encontre de la Corée du Nord.
De quelles forces disposent respectivement les deux pays ?
Nous allons maintenant examiner les ressources et les forces armées des deux pays. A noter que les chiffres utilisés datent de 2015, ils auront donc changés depuis (sûrement augmentés d’ailleurs).
Premièrement, les deux pays n’ont pas les mêmes ressources économiques. En effet, le budget consacré à l’armée, en 2015, était de 10 milliards de dollars en Corée du Nord, soit 15,8% du PIB, la richesse totale du pays. En revanche ce chiffre est de 664 milliards de dollars aux Etats-Unis, ce qui représente seulement 2,4% du PIB. Cette dernière dispose donc d’un budget environ 65 fois supérieur à celui de l’armée nord-coréenne.
En ce qui concerne le nombre d’hommes, l’armée américaine aligne 1,4 million de soldats actifs ainsi que 850 000 réservistes, soit un total de près de 2,3 millions d’hommes. Pyongyang peut compter sur 690 000 soldats actifs ainsi que 4,5 millions de réservistes, soit 5,2 millions d’hommes (environ 20% de la population totale de la Corée du Nord). En revanche, les Etats-Unis pourraient mobiliser 120 millions de soldats supplémentaires en cas de guerre contre 10 millions pour la Corée du Nord. Si l’on additionne ces chiffres, on voit que, lors d’une éventuelle guerre, Kim-Jong-Un aurait une armée 8 fois plus petite que celle de Donald Trump.
Mais la guerre ne je joue pas qu’au nombre d’hommes. Il faut aussi prendre en compte le nombre d’unités motorisées (tanks, avions…). Les deux armées ont approximativement le même nombre de chars : 6600 pour la Corée du Nord et 8300 pour les Etats-Unis. Par contre, l’US Air Force compte 15 fois plus d’avions que son homologue nord-coréenne : 137000 contre 940. Sur mer, la Corée du Nord dispose d’une marine deux fois plus importante que celle des Etats-Unis. Cependant, la majorité de ces navires servent à défendre les côtes du pays. Les américains possèdent des bateaux plus modernes et puissants : 10 portes avions pour l’US Navy contre 0 en Corée du Nord. Enfin, on observe un fort déséquilibre au niveau des armes nucléaires : la Corée du Nord possède entre 4 et 8 têtes nucléaires alors que les Etats-Unis ont 5100 bombes nucléaires. Au passage, vous pourrez trouver dans les sources une vidéo (en anglais) démontrant que 300 bombes nucléaires bien placées seraient suffisantes pour éradiquer l’humanité…ce qui signifie que Donald Trump est à la tête d’un arsenal nucléaire suffisant pour potentiellement anéantir l’humanité 17 fois d’affilée.
Enfin, il se pose la question du pétrole, carburant principal de toutes les forces motorisées que nous avons citées précédemment et donc ressource indispensable pour mener une guerre. Pour approvisionner suffisamment son armée, Kim-Jong-Un aurait besoin de 15 000 barils de pétrole par jour. Or, la Corée du Nord n’en produit que 150 par jour et ne dispose d’aucune réserve. En revanche, si les Etats-Unis ont besoin de 19 millions de barils par jour, il en produisent 8,5 millions par jour et ont une réserve totale de 20 milliards de barils, ce qui serait suffisant pour les approvisionner pendant 5 ans.
Au vu de ces chiffres, il semble nécessaire de rappeler à Kim-Jong-Un que, seule, c’est bien la Corée du Nord qui risque d’être rayée de la surface de la terre… Mais quels sont les alliés de Pyongyang ?
Les alliés de la Corée du Nord
Historiquement, le premier allié de la Corée du Nord est l’URSS, qui l’aide constamment à se développer entre 1945 et 1991. La relation russo-coréenne est rompue avec la chute de l’URSS (1991). Il faut attendre l’arrivée de Poutine au pouvoir pour voir des liens se renouer. Par exemple, il rencontre Kim-Jong-Il, l’ancien leader nord-coréen, en 2000. De plus, 90% de la dette nord-coréenne vis-à-vis de la Russie, soit environ 10 milliards de dollars, sont effacés en 2014. Poutine espérait ainsi être en position de force pour négocier la construction d’un oléoduc (tube transportant le pétrole) en Corée du Nord.
Ensuite, il y a la Chine, qui a d’ailleurs aidé la Corée du Nord pendant la guerre de Corée (1950-1953) en envoyant des centaines de milliers de « volontaires » se battre contre les troupes de l’OTAN qui avaient presque entièrement conquis la Corée. Par ailleurs, la Chine et la Corée possèdent environ 1400 kilomètres de frontière commune. Les deux pays signent dès 1961 un traité d’aide mutuelle et de coopération. La Chine devient vite un partenaire économique de premier choix : en 2011, la Corée du Nord réalise 83% de ses échanges commerciaux avec la République Populaire de Chine. Cependant, devant les attitudes guerrières de Kim-Jong-Un, Pékin semble s’éloigner de son allié nord-coréen.
On peut également se poser la question quant à un rapprochement avec l’Iran. En effet, la Corée du Nord à vendu des armes à l’Iran lors de la guerre qui l’a opposé à l’Irak. De plus, les deux pays sont similaires dans le sens où ils ont enduré de sévères sanctions de l’ONU du fait de leurs recherches sur la bombe nucléaire.
Si elle a peu d’alliés, la Corée du Nord cherche à s’en créer de nouveaux. Par exemple, Pyongyang a envoyé des diplomates à Cuba ainsi qu’en Guinée équatoriale en 2015. Kim-Jong-Un cherche donc le soutien d’anciens pays du bloc de l’est, ayant soutenu l’URSS, dans le but de briser la solitude diplomatique de la Corée du Nord. En effet, nous l’avons déjà vu plus haut, sans alliance, le pays ne survivrait pas à une guerre totale contre les Etats-Unis.
Quelles conséquences pour la région ?
Toujours est-il que cette crise diplomatique est inédite. Elle suscite cependant des réactions variées dans les pays voisins. En Corée du Sud, la population, habituée aux aboiements de Kim-Jong-Un, ne réagit pas. Les Sud-Coréens n’y voient qu’un provocation de plus et restent confiants, d’autant plus que l’USS Carl Vinson s’est arrêté quelques jours en Corée du Sud et que les autorités américaines et coréennes seraient actuellement en train de discuter sur la mise en place d’entraînements communs des deux armées.
Au contraire, au Japon, qui n’a plus véritablement d’armée depuis 1945, c’est l’inquiétude qui règne. En effet, deux destroyers (des navires de guerres de taille moyenne) japonais ont participé à des opérations conjointes avec l’USS Carl Vinson et le pays ne serait pas capable de se défendre proprement en cas d’attaque. Aussi, certains japonais ont décidé d’investir dans des abris anti-nucléaires. Problème, cela coûte très cher : un abri pouvant accueillir treize personnes coûte environ 209 000 euros. De plus, il faut au moins quatre mois pour le construire.
En somme, il semble peu probable que, malgré ses menaces, Kim-Jong-Un ne décide d’attaquer seul les Etats-Unis. C’est d’ailleurs pour cela qu’à chaque fois qu’il évoque la guerre, il parle d’une agression des Etats-Unis à laquelle il serait alors forcé de répondre. Crise diplomatique ou début d’une guerre totale, c’est donc à Donald Trump d’en décider. L’avenir de la Corée est lié aux décisions du président américain, déjà bien connu pour son impulsivité. Espérons qu’il ne prenne pas l’habitude d’ordonner des bombardements « autour d’une part de gâteaux au chocolat » comme il l’a fait en Syrie. En effet, la perspective, par le biais de l’engrenage des alliances, d’une guerre entre la Corée du Nord , la Russie et la Chine d’un côté, les Etats-Unis (et donc l’OTAN), la Corée du Sud et le Japon de l’autre, n’est pas très rassurante pour le futur.
Sources :