Archive dans août 2017

Charlottesville : What responsibility for Trump ?

Important | “Tribunes” est un format indépendant : il permet à une personne d’exprimer publiquement ses idées et n’est pas à associer à l’activité de Décryptage effectuée par notre média.


On Saturday August 12, a meeting of neo-nazis and white supremacists was held in Charlottesville, Virginia. Anti-racism demonstrators gathered to protest against this American far-right show of force; a man drove his car into the group, causing the death of a 32 year old female protester and hurting more than 20 people. The FBI launched an investigation and soon designated a murderer: James Field, a 20 year old man with ties to the neo-nazi movement. The police called this act a homicide and mentioned that the act was intentional, however president Trump initially refused to publicly condemn the crime, instead mentioning “violence from both sides” without readily incriminating the racist demonstrators.

What does this tragic event reveal about the treatment of the alt-right’s violence ?

Far-right’s terrorism is a curse in the United States: there are several recent examples, like the shooting in a black church in Charleston by a white supremacist (leaving 9 dead), or the murder of 7 people in a Sikh temple in 2012. Researchers Charles Kurzman and David Schanzer estimated there were 337 attacks by far-right activists leading to 254 casualties in the U.S. since September 11th, 2001*. Meanwhile, islamist terrorism killed around 50 people since that same date. However, many media outlets and politicians tend to focus on islamist attacks to instill a climate of fear around the danger they see in Islam. The acting out by right-wing extremists is actually far more worrying.

Indeed, we can find many small active far-right groups, about a thousand in the entire US. Racist violence has reached a frightening level with a 584% increase in islamophobic crimes between 2014 and 2016, according to the CAIR (Council for American-Islamic Relations), an NGO defending Muslims’ civil rights in the United States. This rise can be partially explained by the trivialization of anti-islam positions like the one held by the Republican candidate during his campaign, and applied (with the #MuslimBan) once in power.

Add to that the ambiguous position held by the Trump administration toward far-right terrorism. Last August 5th, the Islamic center Dar Al Farooq, Minnesota, was the target of a bombing, qualified as a terrorist attack by Mark Dayton, the Minnesota governor. Nonetheless, president Trump remained mute on the subject – while tweeting recklessly on every subject. One of his advisors, Sebastian Gorka, even suggested that the act was the result of a manipulation from left-wing militants.

With the recent Charlottesville event, it took 48 hours for the president to give a clear statement, hinting to a possible complacency toward those who actively supported his campaign. He finally provided those words on August 14th, after an outcry from his own political party:  “Racism is Evil. And those who cause violence in its name are criminals and brutes, including the KKK, Neo-nazis, white supremacists and other hate groups that are repugnant to everything we hold dear as Americans.” A declaration which would go without saying for any political leader, but which had been long-awaited because of the  previous positions and actions of the president, and of those around him with a dubious past. A declaration which was also quickly made unclear when Trump parallely mentioned alt-right and alt-left violence, although the murderer is undoubtedly a neo-nazi.

As long as we do not condemn with equal intensity a racist attack and an islamist attack, we will fuel extremist movements in their hate projects. The image of a white murderer qualified as an unstable person, but immediately designated as a terrorist when his beard is too long, must be removed from the media landscape. Although it all seems obvious with our hindsight, it is almost impossible within the mainstream media’s obsession toward Islam, widely shared in Europe. The first step, if we want to combat this violence, is to condemn – with the same strength – all murderers, regardless of their ideology. It is also to stop any ambiguity that might feed bitterness, fuel fantasies and yield evermore violence.


Read the original french article, written by Ménélas Kosadinos, here : https://www.lesdecryptages.fr/charlottesville-trump-irresponsable-tribune

[TRIBUNE] Charlottesville : Trump l’irresponsable ?

Important | “Tribunes” est un format indépendant : il permet à une personne d’exprimer publiquement ses idées et n’est pas à associer à l’activité de Décryptage effectuée par notre média.


Samedi 12 août, un rassemblement de néo-nazis et de suprémacistes blancs s’est déroulé à Charlottesville, en Virginie. Des militants anti-racistes sont venus s’opposer à cette démonstration de force de l’extrême-droite américaine; un homme leur a foncé dessus avec sa voiture, causant la mort d’une militante antiraciste âgée de 32 ans et faisant une vingtaine de blessés. Le FBI a ouvert une enquête, et c’est aujourd’hui James Fields qui est accusé de cette attaque, un homme de 20 ans dont plusieurs éléments indiquent son appartenance à la mouvance néo-nazie. La police parle d’homicide criminel et affirme que l’acte était délibéré, pourtant le président Trump a d’abord refusé de condamner le crime, évoquant des “violences des diverses parties” sans mettre immédiatement en cause les militants racistes.  
Que nous apprend ce tragique événement sur le traitement qui est fait de la violence d’extrême-droite ?

Le terrorisme d’extrême-droite est un fléau des Etats-Unis : on peut citer plusieurs exemples récents, avec la fusillade de l’église noire de Charleston, commise par un suprémaciste blanc et qui avait coûté la vie à 9 personnes, ou l’assassinat de 7 personnes dans un temple sikh par un autre suprémaciste en 2012. Les chercheurs Charles Kurzman et David Schanzer, ont estimé leur nombre à 337 attaques avec un bilan de 254 morts depuis le 11 septembre 2001*. A titre de comparaison, le terrorisme islamiste a coûté la vie à une cinquantaine de personnes depuis le 11 septembre 2001. Une partie des médias et des politiques ont cependant tendance à se focaliser dessus pour entretenir un climat de peur autour du danger que représenterait à leurs yeux l’islam. Le passage à l’acte d’extrémistes de droite est en réalité un phénomène bien plus inquiétant.

Il existe en effet toujours de nombreux groupuscules d’extrême-droite actifs, environ un millier sur l’ensemble du territoire américain. Et la violence raciste aurait franchi un cap effrayant avec une augmentation de 584% de crimes islamophobes entre 2014 et 2016 selon le CAIR (Council for American-Islamic Relations), une ONG qui défend les droits civiques des musulmans aux Etats-Unis. Cela s’expliquerait notamment par une banalisation des positions anti-islam comme celles qu’a tenu le candidat républicain lors de sa campagne et traduites en arrivant au pouvoir par le #MuslimBan.

A cela s’ajoute désormais le discours ambigu de l’administration Trump avec le terrorisme d’extrême-droite. Le 5 août dernier, le centre islamique Dar Al Farooq, dans le Minnesota est visé par l’explosion d’une bombe, acte qualifié de terroriste par Mark Dayton, gouverneur de cet Etat. Le président Trump reste pourtant silencieux sur le sujet – alors qu’il tweete à tort et à travers dans le même temps. L’un de ses conseillers, Sebastian Gorka, ira même jusqu’à suggérer que l’acte est le fait d’une manipulation de militants de gauche.
Avec la nouvelle affaire de Charlottesville, il aura fallu attendre 48h pour que le président tienne une position claire, interrogeant une éventuelle complaisance à l’égard de ceux qui ont activement soutenu sa campagne. Il prononcera finalement ces mots le lundi 14 août, après une levée de bouclier au sein de son propre camp : “Le racisme est un fléau et ceux qui commettent des violences en son nom sont des criminels et des brutes, y compris le KKK, les néonazis, les suprémacistes blancs et autres groupes de la haine qui sont répugnants pour tout ce que nous chérissons en tant qu’Américains“. Une déclaration qui irait de soi de la part de n’importe quel dirigeant politique, mais qui s’est faite longuement attendre du fait des propos, des actes du président et de son entourage à l’historique sulfureux. Et qui n’a pas tardé à être mêlée de confusion quand Trump a de nouveau renvoyé dos-à-dos les violences d’extrême-droite et d’extrême-gauche, alors que le meurtirer est bel et bien un néo-nazi.

Tant qu’on ne condamnera pas avec la même intensité un attentat raciste et un attentat islamiste, on donnera du grain à moundre aux mouvances extrémistes dans leur projet de haine. Le meurtrier blanc qualifié de déséquilibré et immédiatement transformé en terroriste par le port d’une barbe un peu trop longue fait partie de ces images qu’il faut à tout prix supprimer du champ médiatique. Et si tout cela semble relever du bon sens avec le recul qui est le nôtre, c’est faire abstraction de l’obsession médiatique vis-à-vis de l’islam largement partagée en Europe. La première étape si l’on veut lutter contre ces violences, c’est de condamner avec la même vigueur les assassins sans considération pour l’idéologie dont ils se réclament. Et cesser toute ambiguïté qui pourrait nourrir des colères, alimenter des fantasmes et engranger toujours plus de violence.

* Source : https://www.nytimes.com/2015/06/16/opinion/the-other-terror-threat.html


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Al-Jazeera au cœur de l’embarras

Nous sommes le 5 juin dernier ; douche froide pour le Qatar. Pas moins de 10 pays du Golfe, menés par l’Arabie Saoudite, décident de rompre leurs relations diplomatiques avec Doha (capitale du Qatar). Les frontières terrestres, aériennes et maritimes sont fermées, les bureaux d’Al-Jazeera à Riyad (Capitale de l’Arabie saoudite), puissante chaîne d’information qatarie, fermés. En juin, un ultimatum est imposé au Qatar : 13 conditions sont à accepter pour rétablir des relations stables. Parmi elles, la fermeture des chaînes de l’ensemble du groupe Al-Jazeera. Les Décryptages vous expliquent pour quelles raisons la “CNN arabe” se retrouve au centre des revendications.

Débuts fracassants.

En 1996, Hamad ben Khalifa, chef des forces armées qataries, décide de renverser Khalifa Ben Hamad -qui n’est d’autre que son père- dans le but de prendre le pouvoir. Il entreprend une modernisation effrénée de son jeune émirat indépendant depuis 1971. Cette modernisation passe par la visibilité du Qatar à l’échelle régionale et internationale. Cette modernisation passe par deux mots : « Al-Jazeera ».

Littéralement « l’île » en arabe, cette chaîne d’information arabophone s’est fixé comme objectif de détruire l’hégémonie saoudienne dans le paysage audiovisuel arabe. Elle entreprend de devenir la première chaîne d’information arabophone bien au-delà du Golfe. Du Maroc en passant par l’Algérie jusqu’en Cisjordanie, les journalistes arabophones sont débauchés des quatre coins du monde arabe. C’est un canal fabriqué en arabe, par les Arabes, pour les Arabes.

Le succès est au rendez-vous. En 2008, Al-Jazeera est suivi quotidiennement par 30 à 40 millions de personnes. Des personnalités telles que Fayçal Al Kaceem, émergent avec ses débats enflammés sur des questions politiques, religieuses, culturelles, économiques, qui se terminent parfois par des rixes devant les caméras. La chaîne se veut reflet du monde arabe jusqu’au moindre détail…

Avant sa création, le paysage audiovisuel arabe était partagé entre différentes sphères. Une première sphère était monopolisée par une seule chaîne britannique d’information, en continu à vocation internationale : la BBC. Une seconde sphère était composée par les chaînes nationales, contrôlées par les gouvernements, où l’information n’était qu’un prétexte pour vanter les mérites des régimes en place. Al-Jazeera vient se placer entre ces deux sphères : ni de contrôle de gouvernement apparent ni de canal contrôlé par l’étranger.

Cette ligne éditoriale « indépendante » réside dans l’esprit de la marque : appeler cette chaîne « île » n’est pas anodin. C’est l’absence de liens, garantissant une information « objective », c’est une insularité qui se retrouve mise en avant. Leur slogan est tout aussi clair ; avec Al-Jazeera c’est « l’opinion et son contraire ».

« L’indépendance et son contraire » ?

En comparaison à d’autres chaînes arabes, Al-Jazeera peut sembler avoir un ton qui se démarque de ses semblables. En effet, dès 1998, Al-Jazeera casse le discours dominant dans le paysage audiovisuel arabe, en diffusant ses propres images des bombardements en Irak, là où les autres chaînes minimisaient les dégâts provoqués par ces derniers.

Al-Jazeera provoque néanmoins la controverse dans la mesure où elle serait le “porte-voix de l’islamisme”, selon bon nombre de ses concurrents. Après les attentats du 11 septembre, Oussama Ben Laden a vu quelques-unes de ses déclarations, filmées et envoyées par ses soins, diffusées sur le canal qatari. Plus tard, cette réputation poussera Mohamed Merah à envoyer les vidéos de ses massacres d’enfants de l’école Ozar Hatorah à la chaîne d’information qatarie, que cette dernière ne diffusera pas.

L’indépendance totale d’Al-Jazeera est également difficile à imaginer pour bon nombre de ses opposants. Comme instrument du soft Power qatari, la direction de la chaîne ne peut décider seule quelle image sera véhiculée par le canal. Chaque couverture effectuée sur les événements extérieurs par la chaîne semble avoir été sciemment réfléchie. Il est donc facile de sonder l’état des relations diplomatiques entre le Qatar et ses voisins en fonction des angles choisis pour couvrir un événement étranger.

Elle peut également soutenir des personnalités qui s’opposent vigoureusement à certains régimes.  Dans son émission « La Charia et la vie », Al-Jazeera offre une tribune à Youcef Al-Qardawi, prédicateur appartenant au mouvement des frères musulmans. La confrérie est considérée comme une organisation terroriste par le gouvernement égyptien. Nul doute que ce soutien fut une des principales raisons pour lesquelles l’Égypte a rejoint l’Arabie Saoudite dans la récente rupture des relations diplomatiques avec le Qatar. En d’autres termes, le Qatar semble donc avoir un contrôle plus ou moins subtil de la ligne éditoriale d’Al-Jazeera. Al-Qardawi est également connu pour ses prises de position provocantes qui lui ont fait interdire le droit de cité en Europe.

Dans le même temps, aucun sujet n’est effectué sur la situation au Qatar. Sur les droits de l’Homme, l’inégale répartition des richesses, « Al-Jazeera » parle des autres, mais ne sait pas parler d’elle-même.

Expansion.

Tout souriait à Al-Jazeera. Les téléspectateurs étaient au rendez-vous, la chaîne était en situation de quasi-monopole sur le marché des chaînes d’informations dessinant le paysage audiovisuel arabe. C’est un véritable empire qui était en construction.

Al-Jazeera, chaîne d’information arabe, voit apparaître des jumelles anglaises et bosniennes appartenant au même groupe. La filiale Al-Jazeera Sport est créée, opérant une expansion internationale. Ainsi, BeInsport, chaîne thématique sportive est créé en France, mettant sérieusement à mal les chaînes historiques, monopolisant le secteur, à l’instar de Canal +. La filiale américaine de la chaîne au logo doré est créée sous le nom d’Al-Jazeera America. L’équivalente Française est annoncée.

Chaque chaîne possède une ligne éditoriale spécifique à son public. Par exemple, AlJazeera English s’érige davantage en porte-parole des pays tiers-mondiste avec de nombreux correspondants en Afrique et en Asie. Le style de ces chaînes est plus sobre, moins d’émissions polémiques.

Dangereux jeu d’influence.

Cette rapide expansion ne plaît pas à tout le monde. En particulier à l’Arabie Saoudite qui redoute une importante influence qatarie au-delà des limites du golfe Persique.

Il faut préciser en effet que l’Arabie Saoudite a toujours eu des velléités expansionnistes dans la région. Le Qatar est l’un des émirats menacés par ces désirs. En 1921, Ibn Séoud, fondateur du Royaume d’Arabie Saoudite, souhaita annexer la presqu’île. Ce dernier s’est confronté au refus catégorique des colons britanniques. L’existence du Qatar n’est donc due qu’à la présence britannique dans la région. Pour l’Arabie Saoudite, l’émancipation de cet émirat, qu’elle a pu considérer comme partie intégrante de son territoire, peut-être subi comme une humiliation. Surtout lorsque le Qatar se targue de vous concurrencer dans un jeu d’influence régional. L’existence même d’Al-Jazeera est donc, à priori, un facteur pouvant dégrader les relations qataro-saoudienne.

L’île sombre-t-elle ?

Al-Jazeera semble connaître de nombreuses difficultés ces dernières années. D’abord, la concurrence est toujours plus importante. De nombreuses chaînes d’information nationales viennent soustraire quelques pour cent de part de marché à la chaîne qatarie.

Par ailleurs, la couverture du Printemps Arabe par la chaîne, accusée de soutenir les candidats islamistes aux élections, a pu faire perdre de nombreux téléspectateurs à cette dernière.

Le succès de l’expansionnisme économique du groupe Al-Jazeera est également à relativiser. En 2016, plusieurs centaines de postes ont été supprimés dans un contexte de baisse de prix de matières premières fossiles. Al-Jazeera America eu également du quelques difficultés à trouver son public. Difficultés qui ont poussé la direction à fermer cette antenne américaine en avril 2016.

La demande de la coalition anti-Qatar vient sceller ce bouquet final. C’est la fermeture pure et simple du groupe qui est exigée. Le Qatar perdra un outil de taille qui participait à son rayonnement aux quatre coins du globe. La fermeture de ces canaux ne semble néanmoins pas à l’ordre du jour. Reste à savoir si la ligne éditoriale de la chaîne subira quelques modifications, ce qui permettra au Qatar de revenir de cette exclusion régionale.