Khush keldingiz dans le Xinjiang, à la rencontre des OuïghoursTemps de lecture estimé : 6 min
Malgré la reconnaissance des Ouïghours comme l’une des cinquante-six minorités de la République Populaire de Chine (RPC), on constate aujourd’hui la présence de camps de persécution dans le Xinjiang, région dont le nom signifie « nouvelle terre ». Le Xinjiang est l’une des cinq régions autonomes de la RPC et est à distinguer des provinces, autres qualifications désignant les régions du pays, davantage soumises à la politique de l’Etat. Quelques neuf millions de Ouïghours –gentilé signifiant « unité »- vivent actuellement sur cette terre qu’ils préfèrent nommer « Turkestan oriental ». En outre, leur rétention actuelle par le gouvernement chinois s’accompagne d’une stratégie de colonie de peuplement mise en place afin que la population Han (constituant 96% de la population chinoise et aujourd’hui 41% des habitants du Xinjiang) puisse s’accaparer les ressources en charbon, en gaz naturel et en pétrole de ces lieux riches en matières premières mais surtout d’histoire.
Des contrées à la géographie changeante
Situé au Nord-Ouest de la Chine, le Xinjiang possède une frontière commune avec huit pays, à savoir la Mongolie, la Russie, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Inde, le Pakistan mais également l’Afghanistan et le Kazakhstan. La diversité de ses paysages offre à découvrir de fabuleux déserts tels que ceux du Taklamakan, de Dzoosotoyn Elisen et du Kumtagh mais également deux rivières qui sont le Tarim et la Keriya et dont la mauvaise irrigation se retourne contre la population et ses besoins en eau.
Une culture millénaire, un roc au milieu des multiples vagues d’annexions
D’abord un peuple nomade venu des steppes mongoles, les Ouïghours ne se sédentariseront qu’au IVe siècle sur l’actuelle province du Xinjiang avant que celle-ci ne soit annexée par l’Empire mogol au XVIIIe siècle.
Malgré la chute du dernier empereur de Chine en 1911, le Xinjiang ne devient pas souverain mais obtient son indépendance en 1933, proclamant la République islamique du Turkestan orientale. Renversée par l’armée soviétique, celle-ci sera tolérée par la Chine après la Seconde Guerre mondiale avant de lui y être totalement rattachée en 1949, lors de la victoire communiste donnant naissance à la République Populaire de Chine actuelle.
Bien que cette terre soit menacée, son histoire a été longtemps reconnue et même diffusée massivement sous forme de films d’animation à travers toute la Chine. Durant les années 1980, les petits Chinois ont pu suivre à la télévision Les Histoires d’Afanti (āfántí de gùshi). Ce personnage inspiré du célèbre ouléma Nasr Eddin Hodja est originaire du Xinjiang et traverse sa région sur le dos de son âne, dissimulant sa ruse et son art de la maîtrise des mots en se faisant passer pour stupide et ce, toujours avec un fond de moral digne d’une fable de La Fontaine.
L’Islam, une véritable partie de l’identité ouïghoure
Ce n’est qu’en 751, avec la victoire de l’Empire Islamique en Asie Orientale et après sa conversion à de nombreuses religions (chamanisme, bouddhisme…), que les Ouïghours adoptèrent la confession musulmane. Avec le contexte actuel de lutte contre le terrorisme islamiste, l’islamophobie ne fait que discriminer davantage cette population et assimiler ses volontés indépendantistes à des actes de terrorisme. Ces actions militantes, devenant par ailleurs de plus en plus nombreuses et virulentes, deviennent un prétexte idéal pour augmenter la politique d’oppression menée par le régime en place, notamment par la prohibition du voile islamique et du Coran ou la détention de Ouïghours dans des camps de rétention.
Un enjeu culturel régional : la préservation d’une langue unique et menacée
La langue ouïghoure est actuellement parlée par environ 8,5 millions de personnes dans Xinjiang mais le nombre de ses locuteurs est également élevé au Kazakhstan, où il se chiffre à plus de 300 000 personnes. La diaspora quelque peu forcée du peuple ouïghour a permis à cette langue de traverser les frontières et d’être entendue en Asie (Mongolie, Pakistan, etc.) mais également en Europe (Royaume-Uni et France).
Au cours de l’histoire, leur écriture emprunta différents alphabets et ce, en fonction des annexions qu’ils subirent. Aujourd’hui, c’est l’arabo-persan –comportant vingt-sept lettres arabes et cinq persanes- qui se voit ressuscité à travers une forme modernisée et ce, après l’imposition d’un alphabet romain, censé rapprocher l’écriture ouïghoure de celle du pinyin chinois.
On recense trois dialectes du ouïghour, à savoir le ouïghour central, le hotan et le lop. Sa grammaire est quelque peu complexe possédant huit cas comme en russe. Du fait de la mondialisation, on retrouve d’ailleurs quelques mots russes et persans dans le vocabulaire ouïghour depuis la seconde moitié du vingtième siècle. Néanmoins, il est important de souligner que les racines de cette langue dérivent des langues turques et non pas d’Asie du Sud-est.
Les papilles ouïghoures, un pont culinaire entre les cultures turkmènes et asiatiques
Proche de la Chine et de l’Inde, il n’était pas possible que ce petit bout de terre puisse échapper à la tradition orientale du thé. Ainsi, chez le peuple ouïghour, il est d’usage de boire un « thé aux quinze fleurs » dans des petites tasses en porcelaine de Chine.
La gastronomie ouïghoure est en effet un incroyable mélange de saveurs mêlant par exemple dans sa tchutchure, un bouillon et des raviolis frits, typiques aliments de la cuisine chinoise. Et si son riz cuit aux légumes nous fait penser au riz de la région de Canton, nous retrouvons les traditions culinaires turkmènes de cette riche civilisation à travers la confection du kawab, consistant en de grandes brochettes d’agneau marinées, qui ne sont pas sans nous rappeler le populaire plat que constitue aujourd’hui le kebab.
Khush keldingiz: Bienvenue (en langue ouïghoure)
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