La restitution des biens culturels en Namibie: l’aboutissement de la décolonisation allemandeTemps de lecture estimé : 5 min
L’empire colonial allemand en Afrique australe
De 1884 à 1915, l’actuelle Namibie était sous le contrôle de la puissance allemande de l’Empire allemand, sous la dénomination de Sud-Ouest africain allemand, colonie de peuplement allemande.
Très vite, des réserves furent établies afin de ségréguer les populations indigènes des Namas et des Hereros.
En 1903, naissent des soulèvements hereros contre l’administration allemande. Leurs chefs sont les valeureux Samuel Maharero (Herero) et Hendrik Witbooi (Nama). Face à eux, le général von Trotha, mène les troupes allemandes et leur donne l’ordre de détruire la population herero.
L’année suivante, la bataille de Watterberg assure la défaite des Hereros, encerclés par les troupes de von Trotha. Le désert du Kalahari, seule issue possible pour les Hereros , leur est tout aussi hostile: les points d’eau sont empoisonnés et des gardes sont installés, ayant reçu l’ordre de tirer sans sommation (Vernichtungsbefehl). 80. 000 Hereros seront exterminés, soit 80% de la population.
Lors d’une attaque en 1905, Witbooi décède et ce n’est qu’en 1908 que les révoltes hereros prennent fin mais elles sont rapidement succédées par la déportation des tribus Namas vers les îles Samoa où la moitié de la population perdra la vie. En 1914, la population blanche représente 83% des habitants du Sud-ouest africain allemand.
Actuellement, la Namibie constitue l’un des cinq pays les plus riches d’Afrique. Le parti au pouvoir, la SWAPO, est celui qui mena le pays vers son indépendance en 1990. Le pays, commençant à entretenir des relations étroites avec la Chine, souhaite développer son système économique, médical mais également culturel. Ainsi, la politique de réconciliation avec l’Allemagne est amorcée depuis peu et ce, plus de cent ans après la fin du premier génocide reconnu de l’histoire du XXe siècle.
En 2017, la responsabilité de l’Etat allemand dans le massacre des Hereros et des Namas est reconnue par le Bund mais aucune réparation financière n’a été versée. La restitution des corps et biens dérobés par l’Empire colonial allemand devient de plus en plus régulière, montrant une progressive ouverture de l’Allemagne sur la terreur de son passé colonial sanglant.
Un geste officiel symbolique et exemplaire, dans sa forme comme dans son message
La Bible et le fouet restitué à l’Etat namibiens étaient la propriété du chef Hendrik Witbooi, avant que ceux-ci ne lui soient dérobés par les troupes allemandes dans les années 1890 puis rassemblés au Linden-Museum de Stuttgart. Ce dernier, en coopération avec les sociétés des descendants de Namas, a mené des recherches afin de trouver les provenances exactes de ces biens. Ce 28 février 2018, les biens de Wittboi ont retrouvé Gibeon, ville natale du héros de la révolte nama au cours d’une cérémonie officielle, où un futur musée rassemblera ces objets.
Parmi la délégation allemande, étaient présentes l’écologiste Theresia Bauer, ministre de la Science, de la Recherche et des Arts du Bade-Wurtemberg et Inès de Castro, directrice du Stuttgart Linden-Museum. L’Etat namibien était quant à lui représenté par plusieurs figures majeures tels que Hage Geingob – actuel président de la Namibie- et Sam Nujoma, le président fondateur de la Namibie.
Le retour du fouet et de la Bible de Witbooi: un sujet de controverses
En Namibie, La NLTA (Association des Aînés de la Tribu Nama) s’oppose à la reddition du gouvernement et exige que les objets soient rendus aux descendants de Witbooi, étant donné l’inexistence de l’Etat namibien.
Pourquoi tant d’engouement pour cet événement de la part de Bauer?
La ministre a fait de cette restitution son idée-phare et ce, non pas uniquement pour de raisons d’éthique et de mémoire. Cet événement très symbolique aura permise de conférer une certaine aura pour Bauer pour qui cette intervention constitue une publicité parfaite en matière de communication politique. Selon l’hebdomadaire allemand Der Spiegel: “Cela fait longtemps qu’il fait l’objet de critiques en raison d’une affaire concernant des indemnités illégales pour des professeurs de l’Université de Ludwigsburg.”
Cette focalisation sur cette approche serait-elle un moyen de camoufler cette affaire? La question est plutôt niée par les politiciens du pays qui préfèrent davantage mettre la lumière sur l’événement en lui-même et sa portée historique. Ainsi, Bauer, malgré les accusations qui pèsent sur elle, a reçu le soutien de nombreux.ses femmes et d’hommes politiques comme le montre l’appui de la ministre des Étrangères Affaires, Michelle Müntefering (SPD), comparant le retour de la Bible et du fouet à« une étape bonne et importante [permettant] de promouvoir le processus de réconciliation ».
Une étape symbolique pour l’Allemagne
Le développement du devoir de mémoire commence à être de peu en plus important avec la généralisation de la mise en place d’un processus de restitution dans la plupart des musées occidentaux. Ici s’instiguent la construction d’une réconciliation et de relations respectueuses entre les anciennes puissances coloniales et leurs ex-colonies. Ce retour des biens à leurs terres constitue une étape nécessaire dans cette dynamique nouvelle à laquelle se confronte l’Europe, que la déclaration de Bauer synthétise : “Nous ne pouvons pas défaire l’histoire, mais nous faisons face à la nôtre ».
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