Rentrée politique: la saison démarre fort.Temps de lecture estimé : 9 min
En cette fin septembre, les partis politiques parachevaient leur rentrée. Les traditionnelles “universités d’été” ont permis de définir ou de redéfinir les trajectoires, les objectifs de cette nouvelle année sans perdre de vue les élections européennes à l’horizon 2019. Si tant est qu’ils soient clairs…! 2017 – 2018 fut une saison marquante en terme de rebondissements en tous genres. Après des présidentielles plutôt laborieuses; divisions, querelles et trahisons ont rythmé la vie de certains partis. Montée fulgurante sur le devant de la scène politique ou, au contraire, dégringolade vitesse grand V. Du pain béni pour les médias.
Les mois à venir s’annoncent encore mouvementés. A l’heure où la France semble s’embourber dans une crise de la démocratie, voyant son paysage politique sombrer dans la fiction, Les Décrytages vous propose de faire le point.
Dans un premier temps, dressons le bilan du nombre d’adhérents selon les partis. Fin 2017, la République en marche – le parti présidentiel – comptait près de 400 000 adhérents en France. Du côté de la France Insoumise, 540 000. De nombreuses raisons expliquent cette véritable dynamique: d’abord, la stratégie spectaculaire d’Emmanuel Macron lors des élections. Demeurer dans un style jeune et décontracté, sur un terrain en dehors du clivage gauche-droite ; rien de bien nouveau, mais une démarche qui a pu donner l’illusion d’un changement, d’une “transformation”. Aujourd’hui, le parti est implanté dans le pays de manière durable. L’image “jeune”, se traduisant également par une moyenne d’âge des députés autour de 46 ans – un record – en dehors de la politique “carriériste” peut être considéré comme un facteur supplémentaire. Davantage de jeunes se seraient-ils reconnus enfin dans l’échiquier politique ? Cela reste à voir. En ce qui concerne la France Insoumise, la dynamique s’explique par une volonté tenace de transformation de la vie politique, prônant une manière alternative de repenser la politique et la société. D’où la confirmation de LFI, méli-mélo de diverses formations de gauche, comme principal parti d’opposition.
De l’autre côté, les partis dits “traditionnels” sont en perte de vitesse… quand ce n’est pas en chute libre. En cause ? L’effondrement de leurs fondations. Plus aucun pilier ne résiste à l’érosion. Les Républicains, victimes de la défaite de leur candidat François Fillon aux dernière élections, ont perdu plus de 100 000 adhérents. Même constat au Parti Socialiste, 131 000 en 2015, ils seraient 100 000 selon Jean Christophe Cambadélis, 40 000 selon Le Monde. Soit le double, ou autant que le Rassemblement National, à en croire diverses sources. Le parti dirigé par Marine Le Pen dit avoir 80 000 membres, mais l’eurodéputée Sophie Montel, qui a récemment claqué la porte du RN pour rejoindre Les Patriotes, le parti de Florian Philippot, a déclaré qu’ils n’étaient en fait que 40 000. Un RN stable, qui peine à grandir.
A Droite, rien de plus nouveau.
Chez Les Républicains, c’est le branle bas de combat. Nul n’est sans savoir que le virage à très à droite du parti a créé le chaos. Xavier Bertrand – président de la région Hauts-de-France – a claqué la porte. C’est inéluctable: l’ouragan Laurent Wauquiez, le “numéro 1”, crée de grosses vagues et certains navires en chavirent . A commencer par bon nombre de militants qui peinent à s’y retrouver. Cette rentrée ne s’avère guère plus rassurante pour eux. A Mont Mezenc, où Laurent Wauquiez faisait sa rentrée, le président de la région Auvergne Rhône-Alpes reproche à Emmanuel Macron de “nier le problème des migrants” et de “sous-estimer les questions d’identité et de sécurité”. Implorant que le gouvernement actuel ne conduise pas de “vraie politique de reconduite à la frontière”, il a aussi visé les “passeurs et les mafias qui décident de qui s’installe sur le sol européen”. La droite de Wauquiez flirt avec l’extrémisme tandis que du côté d’Alain Juppé et de Jean Pierre Raffarin, on songe à fonder la “droite humaniste” ayant fait l’objet d’un rassemblement le 8 septembre dernier. Dans la matinale de France Inter, lundi 27 août, Jean Leonetti – vice président du parti – l’affirme: “La droite doit être une droite d’autorité et d’humanité” rassurant même: “Les Républicains sont profondément européens !” Les opérations séduction reprennent malgré le capharnaüm, et les boulets tirés sur le gouvernement pleuvent de plus belle.
De son côté, le Rassemblement National se remet doucement de la grande claque de mai 2017. Marine Le Pen se fait (un peu plus) silencieuse, et les objectifs restent flous. La patronne s’est rendue pour son premier déplacement à la foire agricole de Châlons-en-Champagne (Marne) durant le deuxième week-end de septembre. “Les agriculteurs sont les premiers à être dans le désarroi face aux décisions européennes”, déclare Philippe Olivier pour expliquer ce choix. (Le Parisien) Pas de doute, les européennes approchent à grand pas et le parti d’extrême droite est déjà sur la ligne de départ.
La gauche souffre toujours.
En ce qui concerne le PS, une certitude: l’opinion publique garde un mauvais souvenir du quinquennat de François Hollande. En revanche… rien n’empêche son retour! Il n’a d’ailleurs jamais quitté la vie politique, selon ses dires en déplacement à Cherbourg. L’ancien chef de l’état n’a également pas hésité une seconde à critiquer la politique du gouvernement:
Le libéralisme entretient le populisme, l’amplifie, le sert.
Et le PS dans tout ça ? Un parti mort, pour les uns; qui renaîtra de ses cendres selon d’autres, partisans de l’aube, souhaitant ne rien lâcher. Ce qui est sûr, c’est que le parti patine. L’inauguration retardée de leur nouveau siège était sans doute au centre des préoccupations. Olivier Faure, souvent accusé de ne pas être “à l’offensive” sur le plan politique, a tout de même pris les devants en proposant aux autres formations politiques de gauche “des combats communs”. Sur la question des réfugiés, chère à Benoît Hamon, l’ex-candidat a proposé “à tous les élus de gauche un engagement commun pour l’accueil et l’accompagnement des réfugiés”. (Franceinfo)
Bien plus à gauche, Jean-Luc Mélenchon fait déjà du vacarme. Il a notamment appelé les Français à se servir du scrutin des européennes comme “référendum anti-Macron”.
Nous allons inviter les Français à lui mettre une raclée, c’est la démocratie ! Je parle d’une raclée démocratique (Extrait de son entretien avec La Provence)
Avec 17 sièges sur 577 à l’assemblée, la France Insoumise veut s’afficher en leader de l’opposition et compte bien le faire savoir. Lors de ses “Amphis d’été” à Marseille, le chef des Insoumis a tenu à rappeler les fondamentaux : écologiques, sociaux, humanistes de leur projet mais a surtout déclaré la guerre au gouvernement. S’en donnant à coeur joie dans les médias, la démission de l’ancien ministre d’Etat en charge de la Transition Ecologique, Nicolas Hulot, s’est avéré être le point sur lequel il fallait appuyer pour faire mal. “Nicolas Hulot a enfin lu le programme de la France Insoumise!” peut-on lire sur la page d’accueil de leur propre site internet. Les Français comparés aux “Gaulois réfractaires au changement”, lors d’un discours du président de la République – en déplacement au Danemark – a immédiatement mis le feu aux poudres. Alexis Corbière s’est empressé de réagir sur Franceinfo:
En 2018, qu’est-ce que c’est cette vision comme quoi les Français ne voudraient pas le changement alors que, précisément, ils l’attendent, ils le souhaitent ?
La République En Marche, pour une rentrée clinquante.
Justement, parlons-en, du changement. En cette rentrée politique, la courbe de la croissance s’éloigne peu à peu des espérances passées, laissant présager des choix budgétaires difficiles à assumer. D’autant plus que le prélèvement à la source, préparé de longue date mais contesté par beaucoup, ne facilite pas la tâche au gouvernement. L’affaire Benalla, la démission de Nicolas Hulot et encore plus récemment le remaniement ministériel semblent ne pas déstabiliser le président Emmanuel Macron. Les troupes “macronistes” n’en demeurent pas moins imperturbables. Excès de confiance ou non, les coupes budgétaires à venir pourraient bien faire bondir l’opposition. A en croire les mots de quelques députés, la stratégie est toujours la même. Reste à savoir si elle sera encore payante.
“Il n’y a pas de débat type gauche-droite au sein de notre majorité. Les grandes mesures fiscales sont derrière nous, tout comme les grandes réformes de libéralisation du marché du travail” expliquait à Libération Gilles Le Gendre, porte parole LREM à l’Assemblée.
Une volonté de passage en douceur, conjugué avec un exercice du pouvoir endurci de la part du chef de l’Etat, digne de “l’ancien monde” s’amusent à critiquer certaines personnalités de l’opposition, la contradiction en gêne certains. Force est de constater que les méthodes nouvelles, en contre pied du “président normal”, font d’Emmanuel Macron un leader charismatique, pouvant plaire et rassurer. La prise de distance avec les médias, l’éloignement avec les syndicats là aussi dénotent d’une volonté de “changement” avec l’ancien président. Là encore tout n’est que question d’image. Sur le fond, les réformes et les projets mis en place par le programme LREM semblent relativement bien menés. Dès septembre: lancement du plan santé, du plan pauvreté et d’une loi d’orientation sur les mobilités. Les lois Pacte et Elan seront débattues, tout comme de nouvelles lois sur l’agriculture et l’alimentation, véritables enjeux au centre des débats européens qui plus est. “On l’a dit, on le fait”: slogan flamboyant. Mais bien faire ou mal faire, seul l’avenir pourra nous le dire.
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