Aucun homme normal n’y résisterait. On m’a mis en taule, et d’une, et maintenant, on dit que je suis fou, parce que je ne suis pas de bois !
Ces paroles, celles du héros du film Vol au-dessus d’un nid de coucous, Randall Mc Murphy, réalisé par Miloš Forman, reflètent à la perfection le talent et le courage de ce dernier. S’étant éteint le 14 avril dernier, Miloš Forman, l’un des plus grands cinéastes du vingtième siècle, laisse derrière lui de nombreux chefs d’œuvre. Parmi eux, le plus représentation de sa force d’âme demeure Vol au-dessus d’un nid de coucous, détenteur de cinq Oscars et classé au seizième rang des 250 plus grands films de l’histoire du cinéma.
Une plongée au cœur de la pensée humaine et des rapports de société
Le film de Miloš Forman, réalisé en 1975, demeure un succès qui s’inscrit aussi bien dans le domaine de la psychologie que dans celui du cinéma engagé. Sur le plan psychologique, le cinéaste tchèque nous livre une tendre leçon sur la barrière manichéenne qui séparerait la folie de la normalité, permettant de marginaliser quiconque échapperait à l’ordre établi. Ainsi, on trouve dans certains patients davantage de douceur et d’altruisme que chez la terrifiante infirmière en chef, Miss Ratched, qui joue sur le malaise intérieur de ces êtres incompris. Celle-ci est bien la seule de cet hôpital psychiatrique à se rendre compte de sa position de supériorité et à profiter de celle-ci avec les abus atroces que le film nous révèle.
McMurphy, incarnation de la résistance
Mais Randall McMurphy, ancien vétéran de la guerre de Corée, accusé d’insubordination, est condamné à intégrer cet asile de fous afin d’échapper à la prison. Son arrivée va changer la donne, révélant par la pertinence de ses interventions, le potentiel de chacun de ces « aliénés ».
Il sera sujet à la tyrannie de Miss Ratched et subira ses sévices qui s’avéreront de plus en plus douloureux, tentant de contrer la désobéissance de cet interné, non pas déséquilibré, mais qui déséquilibre, le petit empire que s’était créé l’infirmière en chef. Etant le seul à constater le pouvoir que cette dernière s’est arrogée par abus de faiblesse, McMurphy n’hésitera pas à lutter contre cette situation cauchemardesque à coup de provocations devant l’ensemble de ses camarades :
C’est ça pour vous la communication ? C’est ça ? Oui, c’est ça ?
Une œuvre qui s’élève contre l’autoritarisme
Miloš Forman, réalisateur tchèque, réussit à travers son chef d’œuvre, à retranscrire l’horreur de l’autoritarisme qui sévit sur les républiques socialistes de l’URSS telles que la Tchécoslovaquie. Celui-ci, ayant été découvert par Kirk Douglas en 1966 à Prague, a reçu de celui-ci lors de sa tournée européenne le livre qui lui inspirera ce film. Ce drame dépeint en arrière-plan l’oppression et l’injustice subies par les populations tchèque et slovaque et fait écho, par la rébellion de McMurphy, à l’immolation de l’étudiant Jan Palach en 1969 qui marqua le printemps de Prague.
Malgré la retranscription de ce sacrifice, le film constitue un message d’espoir par les réussites du courageux Mc Murphy qui amena la parole au chef sioux muet, organisa un match de foot et amena un peu d’allégresse dans un lieu où celui-ci semble avoir été prohibé. L’apparente nonchalance du héros dissimule avec brio la clairvoyance et l’engagement, propres au film, telle que la cynique formule, faussement encourageante :
Allez, soyez de bons Américains !
La main de fer de Miss Ratched aura raison physiquement de ce contestataire et charismatique personnage mais pas psychologiquement, puisque jamais, celui-ci ne cédera à ses valeurs d’émancipation et d’attachement à la liberté.
Forman signe ici, un film qui nous questionne sur nos capacités propres de résistance face à la volonté de faire perdurer nos idéaux mais nous questionne également sur la légitimité de ceux auxquels profite la délégation du pouvoir, qui par leur apparente volonté protectrice, acquièrent par ce transfert partiel de liberté, un pouvoir plus ou moins conséquent.