Wanamatcha ! A la découverte des Kanaks, ces hommes libres de la Nouvelle-CalédonieTemps de lecture estimé : 9 min
C’est un « Non » à l’indépendance qui a été prononcé par 56,7% des 300 000 Néo-Calédoniens. Devenue colonie française en 1853 pour y regrouper de nombreux déportés et bagnards, la politique du gouvernement français a fait évolué depuis longtemps cette situation mais en générant de nouvelles discriminations et ce, entre les Caldoches –ancêtres des colons européens- et les Kanaks. Sans surprise, les régions défavorables a l’indépendance concernent celles du Sud-Est de la Grande-Terre où les Caldoches sont majoritaires tandis que le « Oui » a davantage remporté de voix dans les nord de l’ ïle. Avec une population kanake estimée a 40 pourcents, le jeu semblait déjà joué d’avance. La réponse de ce référendum n’a fait que dissimuler les velléités indépendantistes de cette terre et ce, sous couvert de désmocratie. Bien que la culture kanake soit davantage reconnue qu’auparavant sur l’archipel, elle reste absolument inconnue pour les habitants de la métropole. Le mot « kanak » dérivant du mot hawaïen « kanaka » qui signifie l’être humain ou l’homme libre, il est temps de mettre en lumière cette culture trop peu connue et de combiner à nouveau les deux sens étymologiques de ce mot, ceux d’existence et de liberté.
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Une histoire hors du commun
Les premiers habitants de ce que nous nommons aujourd’hui « Nouvelle-Calédonie », furent les Lapita, arrivés sur ces terres il y a 3000 ans. Bien que ces derniers soient les ascendants des Kanaks, la culture est alors tout à fait différente des autres cultures mélanésiennes de par leur maître du polissement de la pierre, et de la fondation d’une civilisation clanique fondée sur la culture de la terre.
La première interaction avec les Européens commence à partir de l’amarrage de James Cook sur les côtes sur les côtes de cette terre qu’il nomma New Caledonia, en hommage aux terres écossaises de Calédonie dont était issu son père.
En 1788, La Pérouse accoste au bord des côtes néo-calédoniennes à bord de L’Astrolabe et La Boussole avant que ces navires ne sombrent dans les abîmes du Pacifique. En 1827, ce sera l’explorateur Dumont D’Urville qui en 1827, découvrira les Îles Loyauté, s’ajoutant à l’archipel néo-calédonien.
Un an seulement après la fondation du Second Empire, Napoléon III décide de fonder une colonie pénitentiaire et étendre simultanément la présence de l’Empire français dans le Pacifique. Ce sera donc dès 1853, que la Nouvelle-Calédonie sera annexée par la France puis proclamée colonie française le 24 septembre de la même année. Parmi les bagnards et déportés que comptera la Nouvelle-Calédonie, on trouvera près de 4000 communards ainsi que de nombreux révoltés algériens.
La simultanée politique de libération des bagnes et de mise en place du code de l’indigénat engendra une prédominance de la population européenne sur le territoire néo-calédonien qui, par la maîtrise de la culture et des ressources minières, s’avéra au détriment des populations kanakes.
A l’occasion de nombreuses expositions coloniales, des Kanaks furent enfermés dans cages au Jardin d’Acclimatation de Paris, obligés de jouer les « sauvages » devant la population parisienne.
Cette situation de discrimination provoqua de nombreuses révoltes telles que celle menée en 1878 par le grand-chef Ataï ou bien celle de 1917, symbolisant l’insurrection des soldats kanaks participant à la Première Guerre mondiale.
Ce sera à la suite de la Seconde Guerre mondiale que la France abandonnera le terme de colonie, mettant en place le statut de Territoire d’Outre-mer et abolissant le code de l’indigénat mais l’égalité entre Caldoches (descendants des colons européens) et Kanaks n’est toujours pas présente.
Durant les années 1980, les tensions s’accroissent jusqu’à donner lieu aux « événements » insurrectionnels de 1984 à 1988 qui se finira par une prise d’otages de gendarmes en 1988 et à l’assassinat du chef indépendantiste Jean-Marie Tjibaou l’année suivante.
De nombreux accords tenteront de concilier les intérêts kanaks avec ceux du gouvernement français. La réponse du « non » à l’indépendance avait d’ailleurs été appréhendée durant l’un d’eux [ndlr. Accord de Nouméa de 1998] en prévoyant par la suite l’organisation d’un deuxième, voire d’un troisième référendum.
Organisation sociale
Traditionnellement, la gestion de la société kanake est orientée autour de la terre qui est répartie entre les différents clans de l’île. Les membres de la tribu sont incarnés par tous les êtres vivants qui composent la terre à savoir les montagnes, les rivières, les sources et les hommes. Les districts coutumiers ou grandes chefferies dirigés par les Grands Chefs et divisés en tribus et clans, eux-mêmes gérés par les Petits Chefs.
La récolte de l’igname –aliment sacré et principal dans l’histoire du peuple kanak- rythme la vie des clans. Cet aliment symbolise à la fois les valeurs de virilité et d’honneur mais incarne à la fois tous les éléments donnant de la force au clan, à savoir la terre mais aussi les ancêtres, les jeunes et les chefs.
Le pilou, une danse rythmant les cérémonies
Lorsque les cérémonies ne se sont pas organisées autour de la récolte de l’igname, elles concernent comme en métropole, les naissances, les mariages et toutes les célébrations ayant attrait à la coutume kanake. De nombreuses règles tacites couvrent chacune de ces manifestations. La plus fameuse d’entre elles est la danse traditionnelle, portant le nom de pilou. Celle-ci se déroule dans un cadre à la fois religieux et social, servant le prestige du clan. Ne se nomme pilous que les danses se déroulant sur la Grande-terre et non celles ayant lieu sur les îles Loyauté. Auparavant, ces danses ne se déroulaient que la nuit et entretenaient ainsi leur caractère mystique et transcendant. Les pilous ne possèdent une valeur proportionnelle à l’événement qu’elles célèbrent car s’il existe des pilous spécifiques pour la guerre ou le deuil, on peut aussi trouver de simples pilous d’adieu.
Dans la perspective de prestige clanique, la tribu organisatrice du pilou invite fréquemment les tribus avoisinantes les accueillant par une cérémonie, un discours et une grande quantité de nourriture en échange de leur présence mais également de leurs présents.
La danse se déroule en plusieurs phases. La première se compose en une spirale où tournent séparément les hommes armés et les femmes portant des rameaux et des bâtons. Tous deux marquent la cadence avec des tambours en bambou ou des tambourins en écorce. Par la suite des combats sont simulés par des guerriers. Enfin, la boria, amène la foule à marteler le sol en dansant autour des maîtres de la cérémonie et ce, toujours au rythme des percussions. Si ces étapes sont suivies minutieusement à la lettre, la chorégraphie est propre à chaque cérémonie et à chaque danse se jouant avec plus ou moins de préparation et d’improvisation.
« Faire la coutume »
Toute personne non kanake invitée à une cérémonie devra « faire sa coutume ». La pratique coutumière, à l’instar de la société occidentale institutionnalisée, est très prégnante dans la culture kanake. « Faire son offrande », consiste à offrir un cadeau symbolique enveloppé d’un manou –un petit bout de tissu- au chef afin de lui témoigner votre respect. Vous devrez par la suite vous présenter et expliquer la raison de votre venue. En fonction de celle-ci, le chef vous accordera son accord en touchant la coutume de sa main tout en prononçant un discours d’accueil assurant votre protection.
Le Kava et les nakamals
La Nouvelle-Calédonie est une terre où l’accueil et la convivialité sont les bases de la vie sociale. On peut trouver des nakamals, de petites cabanes en bois tenues dispersées à travers l’île et fréquemment tenues par des femmes, où se retrouvent entre dix-sept et vingt-deux heures à la fois des locaux et des gens de passage et ce, quelle que soit leur classe sociale. Ici est servie la boisson traditionnelle kanake, le kava. Servi dans une demi-noix de coco, le kava se compose de racines de poivrier et son odeur se rapproche de celle de la réglisse. Si celle-ci est traditionnelle, elle inclut donc un rite de dégustation. En effet, cette boisson se boit en une seule gorgée afin que les effets euphorisants puissent par la suite faire leur effet.
Une culture commune mais de nombreuses langues
Sur le territoire kanak, ce ne sont pas moins de 28 langues et 11 dialectes qui sont parlés. Bien que certaines d’entre elles ne soient plus vraiment utilisées, celle-ci sont cependant reconnus par l’Etat français depuis 1992 à travers l’introduction du kanak dans les milieux de l’enseignement et des médias ainsi que sur la programmation en 1998 d’une Académie des langues kanak. Ainsi au baccalauréat, les langues drehu, nengone, paicî et ajië sont facultatives et sont enseignées dans l’enseignement secondaire et supérieur. Actuellement, le nombre de locuteurs du drehu –langue la plus pratiquée- s’élèverait à près de 15 500 locuteurs, suivi du nengone, parlé par plus de 8700 personnes tandis que le neku ou le ahrâ ne seraient pratiquées que par une petite centaine d’habitants.
L’art et la culture kanaks
Dans la culture contemporaine kanake, le chef indépendantiste Jean-Marie Tjibaou sera une figure-clé de la réhabilitation de l’art kanak et notamment de ses figures héroïques. Depuis 2012, un centre culturel portant son nom a été créé à Nouméa afin de promouvoir la culture kanake. Ce complexe culturel regroupe un musée historique, une galerie d’art, une bibliothèque spécialisée ainsi qu’une salle et des espaces de spectacles.
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